Nie les ides
Quelle période embrunie
et combien d'invalides
Nous Sisyphes tournant à vide
frères en Ouranie
zombies aux formes d'androïdes
pour nos vies d'avanies
par dérisoires simonies
chacun sa tête oxyde
pour l'un choix de lente agonie
l'autre la mort rapide
Truchement de vin ou d'acide
chacun son insomnie
chacun s'arrange avec ses rides
son sang ses insanies
chacun ses moments qu'on renie
ses poubelles fétides
chacun sa merde ses manies
ses rêves qu'on lapide
ses glaces ses zones torrides
sa propre zizanie
chacun de soi le régicide
en soi sa félonie
chacun se voue aux gémonies
et chacun se suicide
sauf à ouïr l'épiphanie
de bonde aux danaïdes
sauf à changer en cariatide
sa plus tendre ironie
sauf à craquer sa chrysalide
rompre son aphonie
sauf à croire en saint-simonies
comme une âme candide
s'aimer en Sisyphe qui nie
de son tourment la bride
qui voit face à un ciel limpide
en sa roue l'harmonie
sauf à trouver son Atlantide
la joue d'un bon génie
et belles amours rajeunies
sans mouche cantharide.
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Giro
L'été. Long tour des villes d'art
Parme Florence et Pise
Lucques Sienne Arrèze et Venise
Palerme! Sans retard
tu te gaves, tu thésaurise :
ton cerveau en puisard
du premier jour au départ
gobe -belle expertise-
et bée, ophtalmique têtard.
Tout s'offre en chalandise
palais jardins musées églises
et monuments épars.
Pour l'heure tu vis dessous l'emprise
d'un exigeant César :
"A voir! " Tout un mois à l'écart
du monde de la crise,
humant du Duccio le nectar
buvant Giorgione en guise
d'apéritif, tu vasarises
un peu, puis ça repart :
tu goûtes de Giotto la mise
en scène des rempart
du sfumato le fin brouillard
et la lumière émise;
les ciels du Corrège; la frise
qu'on sculpta d'un milliard
de saints sur le haut d'un placard;
un Christ qu'on baptise;
la Suzanne épiée des vieillards;
ici Job, là Moïse;
la Madeleine sans chemise
et pleurant sans ses fards;
la stigmatée qu'on canonise;
un pape et son bâtard
sous un riche dais de brocart;
un Saint François d'Assise
parlant aux oiseaux; le départ
des croisades; la prise
du voile qu'on idéalise
et Lucrèce au poignard;
un corps tordu qui agonise;
Sébastien sous les dards;
Ah! plus frais un colin maillard,
là une gaillardise;
un Michelange Buonar-
otti; quatre Mérises;
des Raphaëls pour la plupart
de sa main, sans reprises;
des duomos de pierre grise;
un pot d'or pour les nards;
tout un lot d'angelots poupards
offerts en friandise;
encore Suzanne en convoitise
de deux vieux égrillards;
curieux: un saint montagnard
qui défie l'analyse;
un chevalier de quelque part
et sa dame assise,
en lettres d'argent leur devise
qui flotte en étendard;
une ciboire d'or incise;
un portrait de frocard
par Bassano; deux faux; un quart
de Lippi; les payses
du Carpaccio et l'entrelard
de marbre qui divise
les clochers en bandes précises
meringue et épinard;
des innocents qu'on martyrise;
la Madone au renard;
un Ribéra (Laurent brûlard);
mille et une surprises,
christs, vierges, rétables ... Le regard
rue à tout voir, s'enlise
et l'oeil, rond comme la cerise
abandonne, hagard.
Oh! c'est beau! c'est beau! et l'avisent
Michelin, le Routard
le Fodor, le guide Maillard
et cousine Denise.
Puis moi, puis l'autre, à leur instar
en vaines vocalises
on glose. Mais Ah! cet avis
à Marie (Léonard);
ces amours de Botticelli
zéphirs légers, mignards
ornements du Printemps; l'écart
de Vénus qu'a surprise
avec Mars un Vulcain braillard
( quelle jolie maitrise
pour une si grande entreprise);
Fortune sur son char
par un inconnu et l'emprise
sur nos yeux au hasard
d'un coup d'oeil du bleu d'un foulard
sur le sein d'Artémise;
ce profil d'homme au nez camard ;
la rouerie le feintise
(d'un commerce avec Rome apprise)
du portrait papelard
que Sanzio fit. Bref, qu'il suffise
que par tout ce bazar
égaré, j'avoue qu'en hangar
ma tête s'est méprise,
lasse la cervelle en buvard
mollement agonise.
Pitié! c'est trop! Même l'exquise
Rosalba tourne au lard ;
la substance blanche en banquise
se gêle tôt ou tard.
Mais soudain, marchant sans égards
pour les fresques rassises
souverain, hautain, un pétard
d'italienne, balise
mouvante à l'oeil qui se ravise
et revit frétillard,
passe en pétulant. Héloïse
l'onguent pour Abélard
c'est ça: ces deux seins comme anars
pratiquant la franchise
libres, par la robe démise
entrevus. Quel Omar
Kayan dira du rose par-
me la pyrolise
quand les yeux-phénix de broutards
et vieux boeufs s'éternisent
où arde aréole insoumise
sous grenade. ô Ronsard
renaissent tes Amours et disent
encor, quand les stars
du rien au whisky des dollars
tristement s'alcoolisent,
l'allant, l'atour des filles (hart
si doux qui me dialyse)
la courbe d'un cou qui s'irise
aux lumières d'un bar
la licor feminae commise
au rhum Saint Bernard
la vie, forme si vraie de l'art
qui du peint exorcise
à Vicense Ancone ou Trevise
Bologne et Miramar.
*
***
Sur un livre de Roubaud relu
Téorie du ritme abstrait
l'ai-je bien saisie
Roubaud ô la poésie
faite points et traits :
sept est moins riche que douze
-qui diviseur a -
cinq fait tarantatara
deux fois six se cousent.
Si le grand père Alexandre
eut iambe à sa Trac
Rimbaud lui fourgua du crack
pour mieux le descendre.
Flashback histoire du vers
à l'E pneumatique
avant l'entrée en boutique
des gros revolvèrs :
la césure épique époque
ancienne mourut
d'émistiche E disparut
classique ou baroque
puis Hugo tonna des cieux
et ses trois quadriges
bousculent les vers qui figent
..."appétit! Messieurs"
Revenons à nos moutons :
iambes anapestes
le même l'autre et le reste
et douze comptons :
niveau un des parentèses
le sous vers papa
du ritme y marque son pas
sous la diérèse
( compte deux pour un repas )
il faut que l'on biaise
Comte! deux mots pour mon aise
ou iambe y a pas.
Pour la coupe qui génère
- deux trois quatre six -
il n'y a pas plus riche fils
que deux fois son père.
Reconnais-tu la férule?:
si N en un est
c'est d'N moins un qu'il renaît
si N est régule.
Passe les ans les ancêtres
Rimbaud Appolin-
aire rimant masculin
Breton de pape être...
L'un compte quinze ou dix-neuf
tel ne sait qu'il compte
sous sa prose Untel de honte
cache son vers veuf
quant aux Attila : silence
après le butoir :
que faire? sinon s'assoir
sans carte à relance
C'est ta croix - libre!- Coco
le mètre d'omettre
dérimant et jouant maitre
mot à nul écho
sous tes césures futiles
clac! retour chariot
Roubaud retrouve le rio
des ritmes utiles.
*
ô Alexandre le grand
épargne l'ennui
onctueux des mots en rangs
vivant jour ou nuit
Ah! laisse nous de Garros
les mots bec à bec
et les comptes de Pérec
lettres à la hausse
laisse nous gouter encor
de Toulet en prime
le charme des contrerimes
et leurs fins accords
où s'enchâssaient rimes et
s'imbriquaient longueurs
dans la maitresse rigueur
de leurs vers pesés.
Car suivre de la loi
les us et coutumes
ou lui tailler un costume
- le temps passe aloi
change et qui goutera
aux ages postumes
règles ou contre que nous eûmes?-
c'est égal. Era-
to chante comme elle veut
comme la Cordière
Ventadour Eluard Corbières
Verlaine et ses voeux
vont vers l'amont ou la mer
la mort ou l'envie
à l'envi d'amour et vie
et l'âme des vers
- le ritme de la leçon -
montre lui la porte
par la fenêtre s'importe
nerf de la chanson.
Aussi aime et aimerai-je
l'air irracontable
des mécomptes insécables
les libres arpèges
mais aussi les eptamètres
- plus cinq dodétra -
quand derrière on y voit naitre
les règles de la T.R.A.
octobre 1994 |