Oie
Ira-t-elle au pot
l'oie qu'on gave
près du Gave
de Pau?
A-t-elle cirrhose
cette fois
à son foie
si rose?
La cuisse en confit
comme l'aile
demoiselle
qu'on fit
rôtir dans la graisse
que le sot
aux pourceaux
l'y laisse.
***
Canard
Entends la chasse au canard
Dans le marais
Je songe à ton doux marais
Petit canard
Mon fusil vient s'y loger
Pour ses coups blancs
Là-bas cols verts et culs blancs
Sont délogés
Tirons un coup de bon temps
Mon doux canard
Oublions des vrais canards
Le sale temps
Ce matin le givre blanc
Dit que c'est temps
D'aller chasser le canard
Dans les marais
A mon poil du givre blanc
Dit que le temps
Des coups francs pour les canards
Va au marais.
***
Les boulangers de farine blanchis...
Les boulangers de farine blanchis tournent au pétrin
une pâte molle qu'ils savent au toucher ressentir
Au petit matin je vais à la gare y prendre mon train
emportant du pain chaud acheté avant que de partir
L amie en est tendre et la croute comme peau en été
dorée craquante barrée de trois fuseaux que la cuisson
étira sur les scaries dont l'orna - oh! sans cruauté
-
le mitron qui oeuvre selon les règles de ses leçons
Tâte la miche fendue par ses amandes écartées
hume l'odeur entêtante qui fait monter la salive
en bouche pour la chair gonflée blanche jolie fermentée
de cent bulles qu'un levain lui met la nuit quand il s'active
Porte à tes lèvres cette éponge odorante
et goûte-s'en
le léger sel fouille de ta langue un secret encagé
au creux de l'amidon et trouve le chemin bienfaisant
du plaisir et l'amour qui entre dans un pain partagé
***
Balaton
Que fous furent
Mes tâtons
Près du lac
Balaton
Que mit-on
Dans ce sac :
Les festons
L'épissure
L'entrelac
Oui de ton
Armature
A tétons
Pelotons
Toute amure
Tes bétons
Seins sans sac
Ainsi dure
L'été - ton
taine et ton
ton - au lac
Balaton
***
La comptine à Mimi
Sois mon amie
Que j'ai dit à Mimi
Un deux trois
Je n'aimerai que toi
Quat'cinq six
Grande saucisse
Va t'fair' cuire un oeuf
Sept huit neuf
Qu'e'me dit
Et ben! j'y vais
Que j'lui dis
J'aime bien les oeufs et les saucisses de Toulouse
Dix onze douze.
***
J'ai joué de la prunelle...
J'ai joué de la prunelle
Et de la croupe
Afin que mon charme opérât
Mais quand lassé de mes aisselles
Et de ma houppe
Tu lanças sur mon corps ta voiture
C'est ainsi ô Ben-Hure
Que ton char m'opéra.
***
Oiseau noir
Cesse tes vesses de mouche
à merde Oiseau noir, et ton prêche
Écoute les doux remous
chez la fille qu'on lèche
où fermentent comme mout
chair et peau de pêche
oublieuses des mots qu'on moud
chatte rieuse qu'on mèche
où l'humide et le mou
chaud s'ouvre dans l'os de seiche
houle havre au morveux qu'on mouche.
***
Je sais auprès d'un Equateur...
Je sais auprès d'un Equateur
Sous une touffe claire
Une manière de bouton de rose
Qu'on manie comme sonnette électrique
Délivrant une moiteur
Enclose :
Ah! l'entre-deux que Chanteclerc
Attrique!
***
Que reste-t-il amie de ta jeunesse...
Que reste-t-il amie de ta jeunesse
quand le sein qui s'affaisse
rejoint le ventre vergeté?
S'en vient-il donc le temps de la tristesse
lorsqu'au bord de la fesse
ondulent les oranges mal pelées?
Faut-il se mettre à genoux pour confesse
si la cheville épaisse
s'orne de veines bleues toutes gonflées?
Quand le flux des menstrues tarit est-ce
enfin l'amour qui laisse
tranquille ou l'avenir qui est fêlé?
Foutaises! Même si ta vue te blesse
entre les plis de graisse
l'amour encor sait courir le relais.
Souris! L'éclat de tes yeux où renaissent
les envies d'homme dresse
le mitan du corps pour ton jubilé.
***
Gris
Le bleu et le rose font mauve
Rouge et vertmêlés : grise mine
Gardons nos secrets que se sauve
l'éclat vif de nos antonymes
***
Je
déjà
hors le jeu
triste et las,gis
légume en cageot
qui croupit dans son jus
Quelque partie que je joue
la fin comme devant gros-jean
me laisse, pauvre animal qui geint
Hélas ! Temps qui passe me trouve à jeun
ployé sous les vents comme au marais les joncs.
***
Le pot
Comme on avance pas à pas
encore un pas encore un peu
un peu plus toujours sans répit
de pis en pire et sans repos
tant va le pot qu'il est rompu
***
L'empereur
Quel fat ! mais sot comme la lune - c'est médire du
satellite -
se vautrant dans ses lacunes
gros empereur des cucurbites
Poids étalon de suffisance
qui ne connaît que sous multiples
quelle place pour son aisance
Ouf ! point n'en laisse à des disciples.
***
C'est le ballet tic et tac...
C'est le ballet tic et tac
Au bal des octets
Mips Flop Power Mac
En langage C jactés
Instructions limitées RISC
Bus trente deux bits
Alice aussi risque
Sa logique au fol rabbitt
Le temps presse! et dans un laps
En méga hertz x
De deux floats la raps-
odie se tasse comme en bisque
C'est des homards le quadrille
Sauce processeur
Reconnais ta fille
Lewis Dodgson professeur.
***
Triolets ambigus
1 *
L'orvet dans mon sein ou l'aspic
Qui rima de la vache au pis
A glace rime-t-il à pic?
2 *
Tels à ta bobine tes fils
Sont-ce de ton ventre artifices
Ou du rouet les brins qu'on file?
3 *
Ah! quel faix la girouette rime en aye
A l'envi d'oil tel Saint Germain en Laye
Ou comme en Gironde où il faut que j'aille.
4 *
À l'apéro l'eau paiera l'anis
D'un trouble soudainement jauni
À Toulon à Marseille ou à Nice
5 *
Rousseau fut-il de la Dame Clarens
L'ami l'amant le flatteur de ses sens
Ou la victime de sa taille mince?
Fut-elle la douce lampe éclairant
La jeunesse d'un génial gigolpince?
Qui songe encore à Monsieur de Clarens?
***
Morale élémentaire
Quel est le but de ta vie terrien
si en soi vivre ne rime à rien?
Au compte il suffit d'avoir vécu
qu'importe debout ou sur son cul
Laisse donc pisser le mérinos
Ne te bats pas en chien pour un os
Jouis d'un vin perlant ou tranquille
De la verdure ou d'un coin de ville
Passe les compromis acceptables.
Si tu l'aime assieds-toi à la table
Si manger t'ennuie reste frugal
De flâner ou courir c'est égal
Sauf si ta joie est contraire aux nôtres
si tu peux n'emmerde pas les autres.
Que le cagot te prenne à rebec
ressorts lui pour lui clouer le bec :
"Si Dieu est si puissant et si fort
Il n'a pas besoin de mes efforts."
***
Rose chagrin
Joli mai bonne mine
La rose en son écrin
de feuillée sombre anime
le puit soir et matin
L'homme jamais s'ennuie
quand dès l'aube il combat
jusqu'au bord de la nuit
la ruine en forçat
poursuivant son intime
espoir de rosiers sains
Mais la fleur fade rime
platement à parfum
La couleur fout le camp
comme un voleur de poule
Sous les assauts du blanc
les pucerons sont foules
La tavelure en ronds
brun-sombres le dispute
à l'oïdium. Mourrons
un à un comme d'un stup
piqué par overdose
et pareils à du crin
les rosiers qui déclinent
exsangues tords et cuits
comme un Christ de Thomas
Grünevald où s'y pend
épine et mine basses
la feuille et la fleur. Quant
bien même qu'on écoule
le chimique édredon
tout a cet air de pute
vieillie. Le cave arrose
de bouillie bordelaise
verdissant plus encor
la chose usant son pèze
la santé de son corps
et son amour des roses.
***
Il est de par le monde...
Il est de par le monde trois misères seulement :
La haine l'amour et le manque d'argent
Me dit cet économâtre
Il en oublie simplement trois ou quatre
***
A E I O U
Les chants lassants de l'opéra
si lentement m'ont opéré
que mes cerveaux en ont péris
Ravive moi par du Perreault
qu'on a, petits, second père eu
***
Revenu
Au gout de revenez-y
N'y suis jamais revenu
Après le coup de fusil
Dans mon petit revenu
***
ô séant nos noces !
Au bord de la mer démentée
Un matelot
Mate à l'eau
Son bateau démâté
Bord à bord ballotté
Au plus fort de l'afflux des flots
Et s'affaire effaré
Au bassin
Du port Saint-
Martin en Ré
Empoté comme Antée sans terre
Par ce temps fermenté
D'un Octobre pimenté
De ta tempête, ma chère.
***
Quelqu'un qu'a gêne
A mon oreille un long flux
de mots mous sans queue ni tête
sans centre ni bas ni faîte
sonne un sonnet superflu :
sonnet vide mais joufflu
comme l'autre qui m'afflige
à pleurer ses trente piges
sa jeunesse qu'il n'a plus
ses cheveux perdus et son
joli corps en caleçon
à fleurs et sa belle gueule
aujourd'hui comme du vieux cuir
bouilli passé sous la meule
aux demains qu'il voudrait fuir.
***
Rengaine de la débine
La rose fane pas l'épine
le nez s'y pique adieu parfum
La loi a mis ses codicilles
à mon ciel gris de parchemin
Bordel de Dieu chienne de vie
Porté pâle aux listes civiles
claquant ma porte un laid matin
je suis parti aux inutiles
étant si las si las si rien
Hier aujourd'hui pire demain
Les mois vite en jours se compriment
les pas s'en vont mais sans chemins
la vie violente vous ensile
j'oublie j'oublie les lendemains
Bordel de Dieu chienne de vie
Les jours s'ensuivent se défilent
nuages noirs au vent marin
Sur le pavé de cette ville
je baisse tête et tends la main
Hier aujourd'hui pire demain
Le jour la rue la nuit l'asile
et les poubelles pour le pain
mais au grand jeu du qui boit dîne
je sors des quatre-vingt-et-un
Bordel de Dieu chienne de vie
Errant alcoolique anonyme
toujours en soif jamais à jeun
quand les souvenirs te ruminent
manquer de bière est le chagrin
Hier aujourd'hui pire demain
Au squat qui sent la vieille urine
bois de cercueil est courte fin
un jour sans vin et sans copine
j'ai fait du feu de son sapin
Bordel de Dieu chienne de vie
La poule aux dents de crocodile
grinçant du bec fait peur aux chiens
Les pissenlits sont sans racines
même les morts crèvent de faim
Bordel de Dieu chienne de vie
Hier aujourd'hui pire demain
***
|