*** Texte dimanche 8 mars 1998 ***
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Préambule
Des mots quelquefois vous émeuvent: la rime liée au nom d'un fleuve un jour que le vent fut l'épreuve (tempête est brise pour ceux qui peuvent) à braver sur la côte où pleuvent les grains du ciel sombre où se meuvent les goélands, vint aussi neuve qu'un printemps Elle fit ses preuves en quintains à huit pieds que des veuves neuvièmes adoucissent - preuve qui reste d'un mécompte- et neuves au vers deux, au vers cinq se meuvent. Je m'en irai encore où pleuvent avec l'eau quelques mots qui peuvent tenter de l'imprimeur l'épreuve: la rime liée au nom d'un fleuve ben! J'espèrerais qu'elle vous émeuve.
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Au bord de l'eau suivant la sente nous avons descendu la Charente Au fil des ans comme une rente seul ton regard bleu qui ne mente Nous avons descendu la Charente
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Peu me sied Paris la lointaine je n'ai point voulu boire eau de Seine La mer salée coule en mes veines et son reflux balaie mes peines Je n'ai point voulu boire eau de Seine
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Ah! Que je hais Patrons vos trônes et vos lois comme digues du Rhône Je m'isole en mon coin de zone en crachant sur vous sur vos jaunes et vos lois comme digues du Rhône
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Je suis mandé par téléphone pour la fête aux coteaux de Garonne J'y sais une vigne qui donne quarante hectos les années bonnes pour la fête aux coteaux de Garonne
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Deux jours entiers la belle histoire à muser sur les bords de la Loire près des vergers pommes ou poires Ah! Week-end ces jours illusoires à muser sur les bords de la Loire
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Je ne sais plus comment se nomme ce fleuve à la mer en baie de Somme Mon Dieu suis-je bête c'est comme le complément de lieu en somme ce fleuve à la mer en baie de Somme
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Elle arborait un air serein marchant dans la rue qui mène au Rhin - Rheinstrasse en langue d'airain - Hélas je n'étais qu'un marin marchant dans la rue qui mène au Rhin
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Jusant échoue lâche la bonde d'Atlante qui s'abouche à Gironde qui s'épanche Le flux sur l'onde renchérit, un temps...puis s'émonde l'Atlante qui s'abouche à Gironde
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Dressant l'arche triple en regard du Gardon que l'on prend pour le Gard ce pont couvert: simple feuillard pour l'eau de Nimes à l'écart du Gardon que l'on prend pour le Gard
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Sont les jours sans toi ma souris tels le Mississipi Missouri longs longs et chaque jour périt le deux en un qui me nourrit tel le Mississipi Missouri
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M'oserais-je à dire les lèvres confuses au montant de la Sèvre quand la vase et l'eau comme plèvres saoules tour à tour s'enfiévrent confuses au montant de la Sèvre
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Pays d'entre Bordeaux et Nantes dessous son air doux de la Charente l'océan par moment y vente fort Ça fait maugréer ma tante dessous son air doux de la Charente
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Interlude 1
Lassés les lecteurs qui s'émeuvent des sauces où sont mis mes fleuves - comptés rimés quelle épreuve!- sauront rire ( ma foi ils peuvent) de moi. Et leurs sarcasmes pleuvent Je les entends : que je me meuve plutôt en mots décousus, neuve pratique poétique, preuve (il en faut) par finales veuves. Bah! les rimes ne tuent point : la preuve en fut fournie par d'autres. Neuves d'un siècle à l'autre elles se meuvent dans la langue et Dieu! qu'elles pleuvent cachées dans des vers qui n'en peuvent mais, quoi qu'on caviarde l'épreuve: nul ne sait gommer que le fleuve assonant souterrain nous émeuve.
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Est-ce l'image de Badour qui se mêle aux remous de l'Adour ou de Toulet un autre amour Non L'océan seul de retour qui se mêle au remous de l'Adour
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La fée de la folle espérance va et vient aux bouches de la Rance Las! le watt à neutrons rend rance la rade barrée qui balance va et vient aux bouches de la Rance
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Ça fait un trou dans mon ozone on déboise les bords d'Amazône A l'envi d'Aunis ô zone rasée de ses pins et ses aulnes On déboise les bords d'Amazône
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Mais dis moi donc où c'est qu'il est ce fleuve que tu dis nommé Lay Dans les sables! Ce ruisselet là comme une pisse de lait ce fleuve que tu dis nommé Lay!
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Il se perd dans un marigot au marais huîtrier le ru Gô Le sel comme un impétigo ronge du bout d'eau le mégot au marais huîtrier le ru Gô
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Vois: c'est la vie en bouillon Kub loin des danses lentes du Danube la valse violente des tubes digestifs où la rage incube loin des danses lentes du Danube
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Fus-je de la farce dindon mais où donc aujourd'hui va le Don? Les rats et les loups au guidon rongent et pillent. Dis-moi donc mais où donc aujourd'hui va le Don?
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On s'est raté partie remise Grise mine imitant la Tamise. Londrès ou moi qui? la défrise le cul à l'air et sans chemise grise mine imitant la Tamise
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Le froid ne le veux et le rends ô Cartier au fleuve Saint Laurent Partis jadis ai-je parents près du feu transis se serrant ô Cartier au fleuve Saint Laurent
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Greco peignit un jour d'orage dans Tolède austère sur le Tage. A la boutique de ménage j'ai acquis là une navage dans Tolède austère sur le Tage
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Dieu! Héros ne fus ni faraud ce juillet aux rives du Douro Mais que faire contre un taureau chargeant? Que n'étais-je au bureau ce juillet aux rives du Douro?
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La malle arrière dans un capot l'échappement d'Apia près du Pô Bloqué! Quel ennui ce repos Forcé au mitant des pots D'échappement d'Apia près du Pô
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Fleuve ou mer cette eau qui serpente -On dit rivière pour la Charente- qui six heures vit rebroussante? gens d'ici rarement se vantent : on dit rivière pour la Charente
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Interlude 2
Ah les braves sires que s'émeuvent de leurs capitaux et des fleuves d'intérêts ou des vues d'épreuves de billets de banques qui peuvent farcir leurs portefeuille ou pleuv- oir sur compte en Suisse où se meuvent toutes les pirateries, neuves ou vieilles, à l'abri des preuves. Les dictateurs, leurs fils, leurs veuves, aigrefins, gens d'affaires -preuve riche d'un même monde - neuves crapules, vieux arnaqueurs, pleuvent tels charognards. En pire : eux peuvent à la chair vive faire épreuve noyer les gens dedans les fleuves sans rien qui les - la Bourse?- émeuve.
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Il se fait, posant en photo Le grand canyon du Colorado Coquette à l'envi de Mado Dont je vois au bas du dos Le grand canyon du Colorado
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Vive la boue vive la fange la vase à Fouras c'est l'eau du Gange S'y plonger Ah! jouvence en lange oléagineux bleu-orange La vase à Fouras c'est l'eau du Gange
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Ganté, j'aime mieux qu'on se taise si le dit d'amour rime à Zambèze Las! le truchement d'une alèse d'Albion c'est lover en prothèse si le dit d'amour rime à Zambèze
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Juste en bas de mon petit monde là tout près sous l'eau de la Gironde récifs mous faits de sable abondent Tel moi ton coeur, pilote sonde là tout près sous l'eau de la Gironde
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Que son cours est aveugle et sourd terrible comme ton nom Amour La Chine emportée sans retour me ressemble C'est - Au secours! - terrible comme ton nom Amour
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La terre assoiffée de désir pour la rare eau du Quadalquivir vire en poussière Ah! tel gésir Elvire et voler sans soupir pour la rare eau du Quadalquivir
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Belles mariées sans vergogne Garonne s'entremêle à Dordogne Chacune est gironde et gigogne tour à tour Dès qu'au bec s'empognent Garonne s'entremêle à Dordogne
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Le petit fleuve a ses ergots quand faut trois gouttes pour un Gô deux vertèbres au lumbago Moi seul suffit à mon ego quand faut trois gouttes pour faire un Gô
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Terre et ciel marinés s'emmêlent sans appui la Seudre à des margelles ne rime à rien Mille venelles s'y diluent et l'eau se morcèle quand s'appuie la Seudre à des margelles
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Attendrie ô femme amoureuse calme comme l'eau lente de Meuse tu contemples l'ample vareuse au cintre et tu souris heureuse calme comme l'eau lente de Meuse
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Que l'avenir me fout les flubes Bleu vire au brun d'ici au Danube L'amadou est sec dans nos cubes bétons Ça va péter Plein tubes Bleu vire au brun d'ici au Danube
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Colère qui sourd de nos caves qui ravine et rugit comme un gave bouillonnant crie Las! Elle pave la route pour la brune bave qui ravine et rugit comme un gave
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La vie quand? sera-t-elle lente comme cours patient de Charente qui vit à rebours de sa pente la marée Ah! que je me mente comme cours patient de Charente
* Postambule
Pourquoi faut-il que je m'émeuve quand le nom retentit des grands fleuves? Est-ce de leur parcours l'épreuve longue les menant comme ils peuvent depuis les montagnes où pleuvent les eaux nées de la mer que meuvent les vents jusqu'à la vague neuve de l'océan? Plutôt la preuve des recommencements : la veuve se remarie, en science preuve ancienne est battue par la neuve et jeunes après vieux se meuvent en phalange en légion quand pleuvent les obus. Mais alors qu'y peuvent ils? Que puis-je aussi sous l'épreuve quand le nom retentit des grands fleuves de sang ô Verdun? Que je m'émeuve?
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daniel macouin Fleuves dimanche 8 mars 1998