Daniel MACOUIN

Le tréma et quelques autres signes diacritiques pour satisfaire à la moitié des règles de Port-Royal.



Table des matières

Le tréma et quelques autres signes diacritiques pour satisfaire à la moitié des règles de Port-Royal. 1

Pourquoi et dans quel but ? 1

Les principales ambigüités 3

Le marquage du H aspiré. 4

En début de mot 4

À l’intérieur d’un mot 4

Le CH prononcé [K]. 4

Les consonnes finales. 5

La consonne après consonne. 5

Les Y. 7

Les EN. 7

Les mots en TI+voyelle. 9

Les préfixes A, RE, EXTRA. 10

Les EMME : 10

Les EU des Faisans. 10

EX : [Egz] ou [Ecs] ? 11

EIL =EUIL 11

Monstres et bénéfices secondaires. 11

Les chiffres 13

Et maintenant ? 13

Propositions principales en résumé. 15



Pourquoi et dans quel but ?

Qui n’a souffert de l’orthographe ?

« Cependant, dès l'année 1660, trente-quatre ans avant l'apparition du Dictionnaire de l'Académie, la Grammaire de Port-Royal avait posé les bases de l'accord de l'écriture et de la prononciation ; elle voulait :

1° Que toute figure marquât quelque son, c'est-à-dire qu'on n'écrivît rien qu'on ne prononçât ;

2° Que tout son fût marqué par une figure, c'est-à-dire qu'on ne prononçât rien qui ne fût écrit ;

3° Que chaque figure ne marquât qu'un son, ou simple, ou double ;

4° Qu'un même son ne fût point marqué par des figures différentes.

Pourquoi donc, après de telles prémisses, tant de contradictions qu'on ne saurait justifier et auxquelles l'esprit logique de l'enfance ne se soumet qu'en faisant abandon de cette rectitude de raisonnement qui nous étonne si souvent, nous force d'avouer qu'en fait de langue la raison n'est pas du côté de l'âge mûr ? » [1]

Trois siècles et demi après, on en est loin, malgré les efforts de l’Académie au XVIIIe siècle, et particulièrement de l’abbé d’Olivet, grâce encore mais à cause aussi de l’Académie au XIXe et certaines décisions de ses éditions de 1835  et de 1878, que l’Académie au XXe n’a pas su rénover ; mais à cause surtout de la tyrannie des dictionnaires qui, fixant l’usage, ne font plus référence qu’à eux-mêmes pour enregistrer l’usage, comme le soulignait déjà en 1868, Ambroise Firmin DIDOT dans ses « Observations sur l’orthographe ou ortografie[…] »

La langue française possède une transcription très largement phonologique[2]. Étudier ce système dans son ensemble permet de dégager quelques règles fortes qui fournissent une cohérence plus grande qu’on est enclin à percevoir et qu’on perçoit de moins en moins au cours des apprentissages, du fait du maintien de graphies devenues obsolètes.

Les exceptions perturbent gravement le système.

Port-Royal édictait quatre règles dont l’exigence demeure et vers lesquelles il faudrait tendre. Certaines semblent d’emblée hors de portée.

« Qu'un même son ne fût point marqué par des figures différentes. »

Force est de constater que si les phonèmes sont rendus graphiquement pour des ensembles stables, certains, éventuellement très courants, bénéficient (si l’on peut dire !) de plusieurs transcriptions concurrentes. On pourrait, pour quelques uns d’entre eux, remplacer l’une des écriture par une autre et éliminer la difficulté d’écriture. Ainsi le PH pourrait-il, à l’avantage de tous et au préjudice de personne, se voir préférer le F. Par contre, le son [ã] est rendu avec une fréquence du même ordre, par la graphie EN et la graphie AN, avec une légère prédominance de la première, contrairement à ce qu’on imagine volontiers. Les dérivés[3] se font en ENNE [En] et ANNE [an], les deux formes ne sont donc pas assimilables, et il est paraît illusoire de ramener l’une à l’autre sans engendrer des perturbations à d’autres niveau du système.

Les contempteurs de toute évolution de l’orthographe citent la remarque de E.Henriot : « Il est très bon qu’il faille écrire pois, poix, poids et pouha ! pour distinguer sous une même regrettable sonorité un légume, une matière résineuse, une mesure et une interjection indignée. ».

On ne saurait mieux dire.

Cette nécessité de distinguer des homophones, oblige à admettre qu'un même son soit marqué par des figures différentes. Un quart des propositions de Port-Royal s’éloigne dans l’Utopie.

Que toute figure marquât quelque son, c'est-à-dire qu'on n'écrivît rien qu'on ne prononçât.

Le besoin de marquer le même son par des graphie différentes, couplée à la limitation du système de signes de base, entraine que certains signes perdent leur valeur sonore propre, devenant signes diacritiques, comme certaines lettres servaient autrefois à distinguer le V consonne du V voyelle[4]. Le T de vert ne se prononce pas, pas plus que le X de la poix ou le S du petit-pois.

Si nous admettons plus haut la nécessité de distinguer les homophones, force nous est faite d’admettre qu’on ne peut pas plus satisfaire la première règle de Port-Royal qu’on ne peut satisfaire la quatrième.       La moitié des principes s’évanouit donc dans les limbes, inaccessible.

Que tout son fût marqué par une figure, c'est-à-dire qu'on ne prononçât rien qui ne fût écrit.

Contrairement à certaines langues qui ne marquent pas toutes les voyelles, le français, sans réforme, réalise parfaitement le souhait des promoteurs de la Grammaire de Port-Royal. S’il y a des lettres muettes, il n’y en a pas d’absentes. Un quart des règles, c’est déjà ça !

 Que chaque figure ne marquât qu'un son, ou simple, ou double.

EN se lit comme EN, comme IN, comme ÈNE, comme E, et les poules couvent au couvent.

La même figure peut marquer plusieurs sons, rendant difficile l’accès aux mots inconnus dont on ne saurait prédire la prononciation.

C’est ce que quelques modifications des règles d’écriture devraient résoudre, supprimant l’ambigüité de prononciation de certains groupes de lettres du français.. Pour la moitié, les règles de Port-Royal serait alors satisfaites, la lecture devenant univoque.

Parler de réforme de l’orthographe serait se parer des plumes du paon, les propositions qui sont faites in fine ne s’apparentant que de fort loin à une si noble entreprise. Il ne s’agit au bout du compte que d’un marquage diacritique de quelques lettres dans certaines configurations, la forme actuelle des mots se retrouvant, souvent, à un accent près dans le texte transformé.

Les modifications diacritiques proposée n’interviennent en moyenne que sur moins de 3% des mots d’un texte réel de plusieurs pages.

L’auteur enjoint cependant à ne pas sous-estimer le travail nécessaire à l’obtention d’un si modeste résultat. Modifier autant en changeant si peu était l’une des gageüres de l’entreprise. Encore fallait-il que les propositions s’avérassent compatibles avec l’écriture manuelle et le clavier des ordinateurs. Ce fut souvent possible : diverses possibilités sont offertes, quasiment logiquement équivalentes. Un choix sera proposé, tenant compte d’éléments objectifs mais aussi d’une part de subjectivité, de sentiment esthétique personnel qui peut prêter à discussion.

Il reviendrait sans doute, comme par le passé, aux imprimeurs de populariser l’usage de ces évolutions typographiques ; nul doute qu’alors tout le monde suivrait, et l’Académie d’entériner.

Précautions salvatrices :

1.       les mots étrangers n’obéissent pas à la règle, puisque ce ne sont pas des mots du français ;

2.       les noms propres gardent leur gra­phie, le temps se chargeant de les faire évoluer, comme « Lefebvre » a évolué en « Lefèvre » et en « Lefébure », et a conjointement maintenu « Lefebvre ».

Les principales ambigüités

o        H et H aspiré ;

o        CH et CH=;

o        Les consonnes finales sonores ou muettes ;

o        Y=i ou Y=ill ;

o        EN de : lycéen, le couvent, elles couvent, rien, client, ils plient, amen… ;

o        TI+voyelle : nous partions, les potions, une partie, martial… ;

o        Les préfixes terminés par une voyelle devant S : asocial, assemblé, resitué, ressource… ;

o         AI=è et AI=eu : faire , faisait, affaire, faisan… ;

o        EX=egz et EX=ecs ;

o        Quelques cas isolés (second, eczéma…).

Le marquage du H aspiré.

En début de mot

Aucune règle ne ressort permettant de déterminer si un H est aspiré ou non. Les mots se suivent dans le dictionnaire, alternant comme au hasard l’aspiration ou l’amüissement. Le lecteur ignorant du mot ne saurait distinguer entre les deux H.

La solution la plus simple, mais la plus difficile à proposer, serait de supprimer les H muets. Cette élégante solution, malheu­reusement, modifie les habitudes et atteint l’homme à la tête. Qui pourrait croire qu’une telle proposition aurait l’ombre d’une chance d’adoption ?

On recherchera plutôt un marquage de la chaine de caractères. Peut-être un accent sur la lettre qui suit le H ? On aurait ainsi homme, mais hùtte, ou hûtte ; mais que faire pour hôte, ou pour hématome ?

La marque serait plus judicieusement placée avant le H. C’est le choix du « Petit Robert Illustré »(1996) qui place un astérisque devant le H aspiré. On proposera ici l’usage de l’accent grave, facile à écrire manuellement, disponible sur le clavier des machines, celles des imprimeries, des bureaux ou les ordinateurs personnels.

On écrira donc :

> L’Homme, l’habitude, une hémostase, un hymne

> La `haine, un `heurt, une `hache

Comme on le voit, les mots ne sont pas modifiés, le signe ne se confond pas avec d’autres, pas même l’apostrophe, et la nature aspirée du H est immédiatement lisible. Faire quelques essais d’écriture convainc rapidement de la scripturalité aisée de cet accent grave posé avant le H.

Sur un clavier, l’accent grave se trouve sur la touche qui commande le « è », et s’obtient en général grâce à la combinaison de touches de contrôle et la touche « è ».

À l’intérieur d’un mot

La règle actuelle stipule que le H interne entre deux voyelles est l’équivalent d’un tréma, et qu’il est muet après une consonne. Il n’y a rien à reprendre, à moins d’exceptions qui auraient échappé au repérage.

Le CH prononcé [K].

Doit-on prononcer [ʃ] ou [k] ? le CH rencontré à la lecture dans un mot inconnu. Dit-on la [ʃiRomãsi] ou la [kiRomãsi] pour chiro­mancie? Il importe de différencier les deux prononciation de ce même digramme[5] et [6].

Le remplacement du CH [k] par K (cher à Ronsard) s’avèrerait une excellente solution, le son [k] ne se rencontrant que dans des mots savants (mots techniques, termes scientifiques, néologismes composés greco-latins …). Pour la plupart des locuteurs, la première rencontre se fait à la lecture, d’où la difficulté à les prononcer ( et à les mémoriser).  Que le tétraklorobenzène s’écrive tétrachlorobenzène présente aucun avantage, mais beaucoup d’inconvénients.

On pourrait utiliser le Q se substituant au C comme il est d’usage dans d’autres mots (un banc, une banquise… une banque, bancaire…). On aurait ainsi le qhlore, le qholéra, le psyqhiâtre mais le psychisme. Cette écriture fonctionnerait sans difficulté, le maintien du H laissant subsister le lien avec les mots de même famille dont l’évolution de prononciation éloigne de leurs proches.

Pour logiques et souhaitables que soient ces deux solutions, elles touchent à l’orthographe, modifient l’apparence actuelle et possèdent pour cela  si peu de chances d’éviter les foudres des censeurs, qu’il est préférable de proposer une écriture alternative.

Le H, lettre haute, est difficile à accentuer : on optera pour une marque sur le C. Heureuse lettre qui jouit déjà d’une cédille et qu’on pourrait, au choix, chapeauter d’un point ou d’un accent. Parmi les caractères disponibles dans l’alphabet latin étendu des ordinateurs, on trouve, en effet, le C-accent-aigu, et le C-pointé. Les deux solutions, cédille ou accent, sont équivalentes : on pourrait donc écrire :

choléra, Christ / chien, échelle …

choléra, Christ / çhien, éçhelle …

La graphie ÇH ne serait pas phonétiquement immotivée, le [s] et le [ʃ]étant très proches ; elle fut proposée par Bernard JULLIEN dès 1850.   cependant, le son [ʃ] est marqué à 100% en français par le graphe CH (parfois inutilement adorné d’un S superfétatoire) ; de plus, le graphe CH est plus souvent associé au son [ʃ] qu’au son [k] sur l’ensemble du lexique; on choisira donc la modification minimale en marquant le CHk d’un signe diacritique qui le distingue au lecteur du CH courant de cheval.

Quelques essais avec diverses polices de caractères incitent à préférer le C-pointé au C-accentué. Qu’on en juge :

Ċholéra ; ċhlore ; Ċhrist ; aċhillée ; ċholéra ; ċhlore ; aċhillée ; ċholéra ; ċhlore.

ćholéra ; ćhlore ; Ćhrist ; aćhillée ; ćholéra ; ćhlore ; aćhillée ; ćholéra ; ćhlore.

Mais il ne s’agit là que de sentiment esthétique, le point paraissant à l’œil de l’auteur plus propre à ne pas dérouter les regards actuellement habitués à l’absence de marquage. En réalité, les scripteurs mettraient un vague signe sur le C, et tout un chacun saurait qu’il s’agit d’un CHk ; les imprimeurs, de même, utiliseraient l’un ou l’autre des chapeaux sur le C qu’il n’y aurait pas grand mal.

Les consonnes finales.

La consonne après consonne.

Le français possède des règles quant aux consonnes terminales. Ces règles sont peu apprises, peut-être parce que quelques exceptions notables en perturbent l’évidence. Néanmoins on peut souligner que d’une manière générale, les consonnes finales sont muettes après une consonne. L’auteur propose qu’on adopte comme règle impérative  que toute consonne terminale suivant une consonne est muette.

Ce qui implique qu’on trouve une solution pour les exceptions, au nombre d’une dizaine.

Deux voies sont possibles :

1.       doubler la consonne finale, ce qui donnerait parcc de stationnement, lapss de temps …

2.       marquer d’un signe la sonorité de la lettre : parc` de stationnement, laps`de temps …

L’auteur préconise la règle  du redoublement à laquelle notre œil est déjà adapté du fait des noms anglais comme boycott, stress, express

On écrirait donc :

> zingg, parcc, lapss, serff, strictt et districtt,

>  larynxx, lynxx, sphinxx, syrinxx[7].

Le redoublement de consonne revient à mettre une consonne muette après le consonne sonore, comme le T de vert, qui est muet alors que le R est sonore. En redoublant, comme la nouvelle lettre est identique à l’antépénultième, les éventuelles liaisons ne sont pas perturbées (un parcc ~ouvert)..

 

La consonne après voyelle.

Le cas des consonnes terminales suivant une voyelle est plus complexe, certaines consonnes étant sonores, d’autres muettes, d’autres comme R, variant selon le cas.

Ø                     Les consonnes terminales B, C, F, G, K, L, M, Q, sont sonores ;

Ø                     Les consonnes terminales D, H, J, N, P, S, T, V, W, Z sont muettes.

Ø                     La lettre R a un comportement particulier :

a)       Après EU ou OI, elle est sonore (travailleur, sonneur, lenteur… semoir, dortoir…)

b)       Après E, elle est muette et le E se prononce [e] (boulanger, trava­iller…), mais il y a (hors noms propres) une quinzaine d’excep­tions dont 3 adjectifs : fier, cher et amer.

On couvre quasiment toutes les situations avec les deux règles générales et la règle du R. Il faut traiter, malgré tout, quelques exceptions en appliquant la règle du redoublement de consonne terminale. On aura ainsi : un flux mais un phloxx, un sac, un grelot, en revanche un dobermann

Une deuxième règle appuiera celle du redoublement : l’accent grave sur la voyelle E qui précède sonorise la consonne terminale, à l’exception notable du S après È, comme dans après. [8]

Ainsi on pourrait écrire hivèr, tout aussi bien que hiverr. Le nombre de mot en ER qui deviennent ÈRE au féminin est très important, la graphie ÈR est donc bien perçue et s’admettra plus volontiers que le redoublement de consonne. On écrira

> fièr, fèr, amèr, mèr, cancèr, mâchefèr, vèr, thalèr, chèr, cuillèr (ou mieux cuillère) et hièr.

> La graphie ER est réservée de cette manière au son [e] des verbes du 1er groupe (chanter…), au noms de métiers (boulanger…) et quelques autres mots (gaucher, rucher, pêcher, oreiller, poulailler…).

Si l’accent grave et le redoublement de consonne permettent d’écrire les exceptions où la consonne est sonore, il faut traiter le cas des mots où la consonne habituellement sonore est exceptionnellement muette. C’est l’occasion de présenter la principale innovation typographique préconisée. L'extension de l'usage du tréma

Depuis l’arrêté de 1990 il est de droit d’utiliser le tréma sur la voyelle dont il faut faire ressortir le son : argüer, ambigüe …  

Cette situation lui confère un rôle de neutralisation du digramme que la première voyelle crée avec la seconde.

Ainsi ÖI se lira OHI [oi] et non pas OI [wa], ÄI se lira AHI [ai] et non pas AI [E]. Par extension le tréma empêchera la création d’un digramme avec la lettre qui le suit, voyelle ou consonne. ÏL se lira I[i], puisque le digramme IL sera rompu et la consonne terminale, considérée alors comme ne suivant pas une voyelle, deviendra muette. ÄC se prononcera [a] selon le même schéma.

Nous sommes en mesure de traiter les exceptions.

On écrira :

> 3 mots : tabäc, entreläcs et estomäc ;

> 3 mots : fusïl, gentïl et outïl ;

> 4 mots : capp, `hanapp, jalapp, raptt ;

> 3 mots : albinoss, albatross, rhinocéross ;

> 1 mot : nett ( éventuellement nèt, mais le féminin nette appelle le double T) ;

> 1 mot :dott (mais de préférence on optera pour une dote) ;

> 4 mots : cèp, julèp, salèp, sèp ;

> une dizaine de mots en èr : révolvèr, fèr, fièr, amèr, mèr, Lucifèr, etc.

> 1 mot : doncc (éventuellement donque);

 

Les Y.

Depuis deux siècles, le Y est en question, les remplacement par I effectués dans certaines éditions du Dictionnaire de l’Académie sont supprimés dans l’édition suivante. Il ne s’agit pas ici de proposer une solution d’éradication des Y, mais de préciser au lecteur la  prononciation de ce glyphe quand il le rencontre.

1.       Isolé, entre deux consonnes, en fin de mot, le Y vaut I, et se prononce comme se prononcerait un I écrit à sa place, même dans la création de digrammes comme AY=AI, OY=OI… On lira doncc sans changement : pyrotechnique [piRotEknik], vas-y [vazi], dandy [dãdi].

2.       Placé entre deux voyelles, le Y vaut I+I, le premier i se combinant avec la voyelle précédente, le second avec la suivante. Ainsi dans payé, on obtient PAI-IÉ, dans dévoyer, on lit DÉ-VOI-IER.

Les quelques exceptions recevrons un traitement approprié à base de tréma selon la règle édictée plus haut.

Quand le Y ne se combine pas avec la voyelle précédente, un tréma sur cette voyelle empêche la création du digramme et Y vaut I, ainsi les Basques pourraient écrire Hendäye, les bords de la Gironde s’orneraient de Bläye évitant aux parisiens de prononcer [blE]. Quant aux parisiens il leur faudrait écrire Saint-Germain-en-Lay. Mais nous avons pris la précaution d’annoncer que les noms propres sont préservés de l’évolution typographique, tant la patronymie et la toponymie sont conservatrices (Encore que ! Hendäye s’écrivait bien Andaye à la fin du XIXe siècle, et l’ile de a eu droit à TZ et H : Retz, Rhé, tandis qu’elle est aujourd’hui habitée de rétais, rhétais et réthais, voire de rhéthais !).

Le système du tréma est suffisamment puissant pour venir à bout d’une monstruosité comme abbaye, seul mot qui s’écrivant AYE, se lit AI-I. On optera doncc pour

>    abbaÿe,

où le tréma placé sur le Y empêche la création du digramme IE qu’on trouve dans paye , mais laisse se faire la liaison AI [abEi] ou [abei] selon l’accent local du locuteur[9].

Les EN.

Le digramme EN s’avère atteint de polyphonie pathologique, puisqu’on le trouve prononcé de quatre manières différentes : [ã] dans valence, [i][10] dans lycéen, [‚] dans (elles) conjuguent, et [En] dans hymen.

On résistera à la tentation de remplacer les EN [ã] par AN dans potence ou de remplacer EN par IN dans lycéen. La fréquence de [ã] écrit EN est sensiblement égale à la graphie AN. La prononciation des dérivés diverge. De même que la prononciation[i] de EN se transforme en [En] dans les dérivés et non pas en [in].

Quelles solutions adopter ?

Étudions  les difficultés une à une :

Conjugaison des verbes.

Les verbes conjugués à la troisième personne du pluriel (ENT)  se prononcent [‚] mais la liaison du T avec la voyelle initiale du mot suivant est la règle. Il faut donc garder un E et un T.

1.       Supprimer le N percute la prononciation [e] de foret, maillet …

2.       On pourrait remplacer le N par H. Cette écriture serait adaptée, le h ne se prononçant pas dans cette situation.

3.       En 1523, Geoffroy Tory utilise le E-cédille pour marquer la 3ème personne du pluriel de certains verbes. À cet exemple illustre, on se sent autorisé à rechercher un signe diacritique comme un tilde sur le N ou un accent.

Le H pose un problème de reconnaissance de la forme ancienne, le tilde introduit un signe inconnu  en français.

Ex : ils dormeñt ou ils dormeht.

Plutôt qu’un E-cédille disparu depuis longtemps, on préfèrera réutiliser la règle du tréma, qui s’adapte sans difficulté. Ça  sera moins difficile à apprendre que le ENT actuel, puisque moins parasité par le ENT prononcé différemment.

Les verbes à la troisième personne du pluriel s’écriront ËNT [‚].

> ils dormënt, elles deviennënt, les poules du couvent couvënt,

> il devient mais ils déviënt, …

Le tréma disjoint le digramme EN, E reste muet, N et T n’ont pas de voyelle d’appui, ils sont donc muets, mais la liaison peut se faire avec le mot suivant : elles dormënt~aussi.

Le trigramme IEN.

Dans l’immense majorité des cas IEN se prononce [ji]. On prendra cette particularité comme base. Quelques mots comme client s’autorisënt à ne pas admettre cette prédominance du son [ji].

On leur appliquera un tréma correcteur sur le I, et le tour sera joué. EN reprendra alors sa signification normale [ã], puisque le tréma neutralise le lien entre I et EN.

S’il existait un verbe clier, il donnerait ils cliënt à la 3e personne du pluriel, forme différente de clïent.

Le trigramme ÉEN.

La même règle que pour IEN s’applique à cette classe de EN, qui ne paraît pas présenter d’occurrence déviante. C’est un peu dommage de voir EN, digramme séparé de É, ne pas se prononcer [ã], mais comme il n’y a pas d’exception et qu’il faudrait inventer une règle et un marquage spécial, autant ne rien changer et admettre que dans tous les cas, EN se prononce [i] après É, et se transforme en [En] quand le mot est mis au féminin (lycéen, lycéenne).

On notera que l’on pourrait considérer que le trigramme ENN pose problème par confusion possible entre [En] (arlésienne, julienne, lycéenne) et [ãn] (ennui). Heureusement ENN ne se prononce [En] que devant un E, et dans ce cas il ne se prononce jamais [ãn]. Il n’y a doncc pas lieu de modifier quoi que ce soit.

Il demeure 2 cas particuliers : couenne et solennel. On écrira sans hésiter :

> solanel  ou solannel ; solanèlement ou solannellement ;

En revanche, pour couenne, si on prononce [kwEn] on écrira :

> couenne,

et si on prononce [kwan] on écrira

> couane ou couanne.

Les mots en TI+voyelle.

Les portions que nous portions sont partiellement parties. La phrase n’est un chef d’œuvre littéraire, mais révèle la difficulté de lire les TI+voyelle. Le T se prononce-t-il [t] ou [s] ?

Les différentes réformes de l’orthographe qui ont émaillé le XXe siècle ont cherché à remplacer le T par un S ou un C : une particion, un diccionnaire…Elles se sont `heurtées à l’argument de la perte de lien avec les mots de même famille : dictionnaire, dicter. L’argument est de poids, gardons le T.

D’autant que l’analyse des mots en TI+voyelle donne une écrasante majorité de prononciation [s]. Ce sera doncc la règle : T devant I+voyelle se prononce [s].

Encore fallait-il que l’auteur puisse proposer une écriture pour T prononcé [t] dans les mêmes situations.

1.       L’idée de reprendre le principe du doublement de la consonne déjà utilisé pour la consonne finale sonore était séduisante : nous parttions, une partition. Hélas ! des distorsions apparurënt, le redoublement du T perturbant la prononciation de noisetier et quelques autres arbres ou professions (lunetier). Car dans  noisettier , lunettier, on lirait [Etje], ruinant les efforts des réformateurs de 1990.

2.       Il ne restait que le signe diacritique.

T-cedille ?

Le T-cédille pourrait paraître incongru, mais cependant si logique, transformant en S une lettre qui garderait son allure de T, comme le c-cédille maintient l’air de famille C.

> prémonition, pétition, partiel, martial, nuptial, …

> nous partions, vous portiez, un charpentier, une partie

Cette solution demeure satisfaisante, elle est d’emblée comprise, elle ne souffre que d’une incapacité sur nos claviers actuels de frapper ce caractère cédillé facilement. Ce pourrait être rapidement résolu par un petit programme intégré aux ordinateurs (du type « touches_mortes.prg » des défunts Atari (pour les connaisseurs)). Cependant, le nombre de mots en TION qu’il faudrait changer est très important dans un texte quelconque. Force est de chercher (momentanément ?) dans une autre direction, à regrets.[11]

I-accentué ?

À défaut de marquer le T, essayons de trouver un signe qui porterait sur le I. L’accent circonflexe aurait pu convenir sans son utilisation au passé simple qui pourrait perturber la lecture. L’accent grave sera choisi car il est déjà utilisé sur le A et le U afin de distinguer deux mots et on peut en étendre facilement le domaine.

Restait à choisir entre marquer le son [s] ou marquer le son [t], les portions ou les parties ?

Deux arguments en faveur du T : l’accent donne une allure plus dure, incitant à lire T plutôt que la sifflante. Mais c’est affaire de gout. Plus solidement on remarquera que le nombre de mots à marquer est de beaucoup moindre si [t], car les mots en [siõ] sont légion.

On écrira donc :

> partition, munitions, partial, délégation, initier, nous balbutiâmes

> éclatìons, nous portìons nos portions, charpentìer, chantìer, moitìé

Comme on le voit, les mots demeurënt dans leur forme, aisés à lire pour quelqu’un habitué sans l’accentuation.

On pourrait diminuer le nombre d’accents à inscrire en considérant que le T se prononce [t] si TIER ou TIÉ. Il faudrait alors admettre d’écrire balbutier et initier et les mots de même séries CIE (iniciation, balbuciments…).

Il semble préférable de ne pas créer d’exception et d’écrire

> inertie, initiale, balbutie, arguties

> bénitìer, grutìer, pitìé

 tout en pleurant le T-cédille.

Les préfixes A, RE, EXTRA.

Les préfixes se terminant par une voyelle, accolés à un mot commençant par S, s’écrivënt comme s’ils se prononçaiënt [z]. C’est fâcheux.

Ex : asymptote, resituer, extrasensoriel…

Redoubler le S ferait confondre le A privatif avec le A d’amplification de assembler, assentiment. On doit pouvoir trouver la combinaison du type assentiment, qui est accord et « asentiment » qui serait absence de sentiment. Mais « asentiment » se lirait [azãtimã].

 Saint Tréma à notre secours ! Trémäisons le A et fermons le ban !

> äsymptote, exträsensible, rësucée, äsocial…

Comme de coutume nouvelle, le tréma isole la voyelle de la lettre qui le suit, celle ci reprend sa valeur propre, S dans cette configuration.[12]

Les EMME :

La graphie EMME de femme est archäique, mais si connue. Si nous n’avons pas osé changer l’homme, un souci d’égalité porte à ne pas modifier non plus la femme.

D’autant qu’une étude attentive des nombreux adverbes en EMMENT révèle que le son [am] est toujours attaché à la graphie EMME, elle même liée au digramme EN prononcé [ã].

On donnera donc pour règle que EMME se prononce [am‚].

Deux (trois) mots rares nécessitënt une modification : gemme, lemme (dilemme).

On écrira :

> gème ;

> lème (dilème).

Le populaire flème suivra la même voie peu fatiguante. Le flegme, très britannique restera imperturbable.

Les EU des Faisans.

Les faisans faisaient des affaires. Comment dit-on ? [E] ou [‚] ? partout ailleurs que dans faisans et quelques conjugaisons du verbe faire, AI vaut [E]. Remplacer AI par E, comme on l’admet dans ferait, n’est pas le plus heureux, car on perd le lien avec les graphies de faire en AI. La lettre double Æ, peu employée, serait plus conforme aux traditions familiales de faire : le son [‚] serait marqué par le E inclus dans le glyphe, le A rappelant le digramme AI.

Ainsi doncc :

> fæsans, poules fæsanes

> faire, fæsait, chemin fæsant, ils færont…

EX : [Egz] ou [Ecs] ?

On remarquera que exact se prononce comme si on écrivait egzact, tandis que axone se prononce comme si on écrivait acsone.

Avant d’opter pour l’orthographe EGZ, on notera que ce n’est qu’après un E et devant une voyelle, que le X marque le son [gz]. Aussi sera-t-il plus simple de ne rien changer, et de lire EGZ pour EX+voyelle, mais ACS pour AX +voyelle et UCS pour UX+voyelle.

Bien sûr ! une exception surgit : FLEXION et ses dérivés. On pourrait écrire flexcion, flexcible, comme on écrit exception, excitation… avec un C.

Mais encore…EXE en fin de mot n’obéit pas à la même règle qu’en début de mot.

1.       On pourrait dire que EXE en fin de mot se prononce comme ECSE [Ecs‚].

2.       On peut aussi décider d’accentuer le E avant X, ce qui amènerait à écrire :

> complèxe, sèxe, circonflèxe, annèxe, connèxe, convèxe, implèxe, il vèxe, et perplèxe.

Auquel cas on alignerait FLEXION sur cette manière de faire :

> flèxion.

C’est l’option préconisée, l’accentuation ramenant le E à la règle commune des autres voyelles.

EIL =EUIL

Quelques anomalies dans l’écriture du son [œj] se rencontrënt dans recueil, cueillir…à cause du C devant le E de EUIL. La confusion avec la prononciation normale de EIL [Ej], dans si peu de mots justifie un changement.

Deux solutions :

1.       on remplace C par QU, et l’écriture EUIL s’impose ;

2.       on remplace U par O, et l’on se tourne vers la graphie ŒIL.

On écrira :

> queuillir, requeuillir, cerqueuil, acqueuil, équeuil ;

> cœillir, recœuillir, cercœil[13], accœil, écœil.

Les deux solutions sont aussi logiques l’une que l’autre ; pour l’esthétique, l’auteur opterait pour la graphie ŒIL : argument ténu.

Monstres et bénéfices secondaires.

Il est temps de redire le but recherché : il s’agit uniquement de ne pas autoriser, sauf exceptions en nombre infimes (essentiellement des chiffres), l’association de plusieurs phonèmes à une même combinaison de lettres.

Que le même phonème soit rendu par plusieurs graphèmes n’est pas contesté ici ; il ne semble pas que l’on puisse rendre le même son de la parole par une seule graphie sans diminuer la reconnaissance de l’écrit. Les modestes innovations typographiques proposées rajoutënt un élément discriminant à quelques mots, tout en gardant entière leur forme antérieure qui se reconnait sans peine sous la moustache. L’information apportée par les appendices nouveaux n’est pas mince et justifie l’évolution proposée qui n’atteint pas l’ampleur des modifications engendrées par la généralisation des accents au XVIIIe siècle par l’Académie sous la direction de l’abbé Olivet.

On a vu plus haut que pois, poix, poids et pouha ! évitënt des confusions fâcheuses, mais qui ne regretterait qu’il faille lire :  « des vers », sans savoir si on a affaire aux merveilles de la culture française ou à de répugnants animalicules. L’évolution typographique présentée autoriserait des distinctions qui satisferaiënt le gout de l’amateur.

On pourrait plus heureusement écrire en combinant l’accentuation et l’amüissement des consonnes terminales :

> vèrs pour la poésie, qui fournit versification.

> Vert pour la couleur verte.

> Verm pour la bestiole, d’où vermine, vermisseau.

> Verr pour la préposition, autorisant ainsi la liaison que fait tout un chacun avec la voyelle du mot suivant.

> Et naturellement le verre de bière.

> Et encore le vair cher à Cendrillon.

Par  semblable souci, on pourrait pousser la coquetterie à écrire amèr pour l’adjectif, déterminé par le féminin amère, et l’amerr du bord de merr, vision chère aux marins, perdrait toute amertume.

En bénéfices secondaires, on oserait s’autoriser quelques réincorporations de finales étymologiques sur le modèle du verm. Citons l’exemple de hiver qui nécessite qu’on marque le [ER] final, soit par l’accent (hivèr) soit par un redoublement de consonne (hiverr) soit encore par une consonne muette motivée par la dérivation (hivern).

> Hivern d’où hivernal, hivernage

( Mais dans ce cas la consonne finale qui n’est pas justifiée par l’homophonie, perturberait la liaison, aussi, sagement, en restera-t-on à hivèr.)

Évidemment ces remarques ne peuvent que déplaire aux partisans d’une réforme profonde de l’orthographe. Comme parallèlement les opposants à toute réforme manifesteront, par culture, violemment contre, on peut craindre que ces propositions ne trouvënt que  peu de défenseurs.

Pour plaire aux derniers on a proposé les nouvelles lettres étymologiques nécessaires ou putatives (verm, hivern), pour amadouer les premiers, on rectifiera quelques monstres. 

> second : on évitera de lire une grossièreté en changeant le C en G (segond, segonder, segonde…).

> examen : le I final se reçoit pour examin, examiner, examinateur…

> zinc : zingue, zingueur.

> dot : une dote.

… et on déplaira à tout le monde en étant contraint de proposer :

> parc : parque ou parcc

> arc : arque ou arcc

du fait du C muet après consonne.

Enfin, trainënt encore ici ou là quelques mots qui présentënt des anomalies rares. La politique menée pour ces cas  est la suivante :

1.       si le mot ou les quelques mots peuvënt s’écrire facilement sans confusion d’une autre manière, on optera pour la règle générale ;

2.       si le mot résiste et nécessiterait une règle spéciale pour lui, autant le laisser comme il est aujourd’hui.

L’auteur en a traqué quelques uns, plusieurs ont dû échapper à la recherche. Chacun corrigera de lui même quand il butera sur un petit monstre.

Ainsi, on ne se formalisera pas des faons, paons qui font [ã], du taon qui fait [ã] ou [õ] selon les époques et les régions, et le pharaon qu’on laissera dormir ou qu’on ornera d’un tréma (pharäon) ou d’un h (pharahon).

Un cas très particulier :

Un os, des os.

Selon la règle de l’amüissement du S final, il faut le redoubler pour parler d’os au singulier. D’où :

> un oss ;

Mais au pluriel on prononce [o], doncc il faudrait écrire des os. Curieuse situation ou il faudrait enlever un S pour marquer un pluriel ! On ne saurait s’y résoudre. Aussi écrira-t-on

> des öss.

Le tréma, selon sa règle, neutralise la liaison OS, donc le premier S devient muet, le second l’étant par principe. On obtient bien [o].

Et si l’évolution probable de la prononciation fait bientôt sonner le S final au pluriel, il suffira de ne plus trémäiser.

Les chiffres

Une ancienne règle de prononciation amène à amüire  une consonne finale dans certaines situations, et à la faire sonner dans d’autres. C’est notamment le cas des chiffres cinq, six, huit et dix. Faudrait-il alors marquer la consonne finale dans les situations où elle se fait entendre, et remplacer les X par S ? Ce serait possible, mais à quoi bon ? une telle démarche rajoute une règle aussi compliquée que l’exception : autant ne rien changer.

Les chiffres fonctionnënt comme des logogrammes ; leurs fréquences, leurs rôles, tout justifie qu’on les prenne comme ils sont devenus, sous peine de se trouver embarqué dans des complications inextricables.

> Cinq, six, sept, huit, dix.

Et maintenant ?

Réformes de l’orthographe ?

Que ces propositions puissent s’avérer utiles, c’est le postulat qui pousse à rendre public. Qu’elles soient utilisées, ça ! c’est une autre paire de manches.

La probabilité de cette éventualité est quasi nulle, tant la moindre velléité de changer une lettre à un mot enrage toute une armada de militants de l’immobilisme en la matière, qui parfois ne prennënt pas même la peine ni la précaution d’étudier la modification proposée.

Partons cependant de l’idée qu’une évolution de l’orthographe soit sociologiquement possible. Les précisions typographiques exposées ne préjugënt en aucune manière les éventuelles réformes. Car il n’est rien dit ici des doubles consonnes dans les mots, de l’harmonisation des dérivés en TIEL ou CIEL des mots en ANCE ou ENCE, de la suppression des lettres grecques (PH, TH, Y…), et diverses joyeusetés de notre écriture.

Soulignons simplement que toutes ces réformes à venir ne sont pas en contradiction avec les principes de concordance graphonique où, si plusieurs graphies peuvent coder le même phonème, un même graphème ne peut exprimer qu’un seul son.

Retour sur le tréma.

La proposition la plus riche de potentialité qui est proposée ici, c’est l’extension du domaine du tréma, qui, nous l’avons vu, suffit à résoudre quelques énervantes difficultés de la lecture de mots inconnus.

On pourrait voir si en pousser l’usage  jusqu’à en chapeauter des consonnes s’avèrerait utile. Par exemple, à la place du simple point proposé, on l’utiliserait sur un C dans CH prononcé [k], qu’il aurait une rôle identique à celui qu’il fournit sur la voyelle : neutraliser la création du digramme, en l’occurrence CH.

Pousser encore : son utilisation devant un mot neutraliserait le mot entier, il signalerait que celui-ci n’obéit pas à l’orthographe française. Ce serait une marque plus simple que les guillemets et l’italique des divers codes typographiques que peu de gens connaissënt, et cette ponctuation souffre de n’être pas réservée à cet usage. Le tréma serait aussi simple pour l’écriture manuscrite que pour l’imprimerie ou le clavier de l’ordinateur personnel.

Ainsi on marquerait les mots étrangers :

¨marketing, ¨masters, ¨tie-break, ¨nomencla­tura, ¨dancing, ¨corrida, ¨lieder, ¨leader, ¨mafioso.

Ce n’est pas plus compliqué que Slex™ ou ©Bugg. [14]

Naturellement, n’importe quel autre signe diacritique pourrait rendre le même service, pour peu que cet usage n’en perturbe pas un autre :

¨marketing

^marketing

°marketing

#marketing

~marketing

Le concurrent le plus sérieux du tréma comme marqueur de mot étranger serait le « ° », joli en imprimé, mais moins simple que le tréma pour l’écriture manuscrite.

Conclusion ?

Il est probable que toutes les anomalies n’auront pas été mises en lumières et traitées ici. L’auteur s’aperçoit, par exemple, de l’oubli du digramme OI, prononcé [wa] dans doigt et [o] dans oignon[15]. Les spécialistes auront tôt fait de souligner les oublis, les imperfections et les inconvénients de ces propositions.

Mais l’essentiel semble avoir été abordé. Si ces propositions s’appuiënt sur des travaux modernes, notamment la notion d’archi­graphème dégagée par l’équipe HESO du CNRS (Nina Catach ; L’orthographe. PUF ; Paris, 1978), on retrouve au delà des siècles une préoccupation constante d’une liaison du graphe et du son, puisque déjà, le programme de Port Royal cher à Pascal voulait qu’on ne prononçât rien qui ne fut écrit, et que ce qui était écrit ne se prononçât que d’une seule façon.

Proposer une évolution de notre système d’écriture supposait qu’on tienne compte des habitudes et qu’on ne perturbe qu’au minimum les conditionnements de l’œil acquis avec tant de peine. C’est pourquoi le marquage diacritique léger s’ajoutant à la graphie antérieure qui reste perceptible, est préféré, chaque fois que c’est possible, à une modification  plus importante. Parfois ce n’est pas faisable, ou trop compliqué, et il faut se résoudre à changer une ou deux lettres, mais il ne s’agit que de mots isolés, ou  de si petites séries qu’il faudrait faire montre de mauvaise foi pour prétendre que la langue est dénaturée (nul doute, pourtant, que certains ne s’en priveront pas).

Avec trois pour cent, en moyenne, de mots modifiés sur un texte réel, trois pour cent dans « La Folle » tirée des « Contes de la bécasse » de Maupassant, quatre pour cent atteints dans la fameuse dictée de Mérimée, qui cumule les difficultés (mais la moitié des changements concerne la troisième personne du pluriel), trois pour cent dans un mode d’emploi de logiciel [16], etc, la lecture des textes imprimés antérieurement demeurerait aisée pour les yeux des nouveaux lecteurs.

Quant au regard anachronique des vieillards amèrs, il se pencherait pour réflèxion, sans être trop `heurté, sur les partìes et portions des nouveaux imprimés, comme cette phrase elle-même où les règles s’appliquënt intensément, puisqu’on y atteint, à dessein, quinze pour cent.

Propositions principales en résumé.

1.       Le H aspiré est précédé d’un accent grave (`h).

2.       Le CH prononcé [k] est marqué d’un point (ou d’un accent) sur le C (ch ou ch).

3.       La consonne terminale d’un mot est muette si elle suit une consonne.

4.       Les consonnes terminales B,C,F,K,L,M,Q, sont sonores après une voyelle.

5.       Les consonnes terminales D,G,H,J,N,P,S,T,V,W,Z sont muettes après une voyelle.

6.       La lettre R a un comportement particulier : Après EU, elle est sonore (travailleur, sonneur, lenteur…) ; Après E, elle est muette et le E se prononce [e] (boulanger, travailler) .

7.       Le tréma neutralise la création d’un digramme voyelle+voyelle ou voyelle+consonne.

8.       EN se prononce [ã] après une consonne.

9.       IEN se prononce [ji].

10.    ÉEN se prononce [ei].

11.    TI+voyelle prononcé [t..] s’écrit avec un I accentué gravement.

12.    La voyelle terminale d’un préfixe s’écrit avec un tréma devant un S.

13.    X entre deux voyelles se prononce [ks] sauf dans EX+voyelle où il se prononce [gz]. [Eks] nécessite EX+C (excessif, flexcion).

14.    EMME se prononce comme AME [am‚].

15.    EX+voyelle se prononce [Egz]. ÈXE se prononce [Ecs].

16.    Les mots étrangers sont précédés d’un tréma.



[1] (Ambroise Firmin DIDOT. « Observations sur l’orthographe ou ortografie française […] » ;Paris ; 1868).

[2] Nina Catach. “L’orthographe”. Que sais-je. N°685. PUF. 1978.

[3] Certains phonologues considèrent, avec quelques raisons,  que ce sont les formes féminines qui sont la base et que le masculin est dérivé. « BLANC » est dérivé de « BLANCHE » et non pas l’inverse.

[4] Rappelons que ce n’est que dans l’édition de 17.. que l’Académie fit entrer dans notre écriture les couples v/u et i/j, respectivement confondus jusqu’alors dans « v » et « i ».

[5] On notera que le rapport Beslais ne proposait qu’une solution partielle, supprimant le H de CH devant A,O,U, laissant entière la difficulté devant E et I.

[6] Un digramme est un ensemble de deux lettres qui prend un sens différent des deux lettres séparées. On pourrait le remplacer par une lettre nouvelle. CH pourrait être symbolisé par un signe quelconque comme :  « î ».

[7] Ces rares exceptions pourraient encore se réduire par une modification mot à mot :

zingue ;

un parque (les Parques étant peu présentes depuis Paul Valéry, et de toute manières féminines) ;

un lapse, un serfe,

stricte (un homme pourrait être stricte sans perdre sa virilité, comme il peut se montrer glabre tout en restant admirable).

En revanche, même si septt et cinqq n’empêcheraient pas de compter, il conviendrait pourtant de conserver sept et cinq  qui sont des logogrammes trop courants pour se montrer gênants, chacun connaissant ces mots avant de les avoir lus.

[8] Cette règle du È comme sonorisateur n’est pas absolument utile ; même, elle entraine une complication avec les mots comme après, cyprès… d’où l’exception du S, d’où la nécessité de redoubler l’S dans aloèss. Mais elle est pratique pour dériver les féminins sans inciter au redoublement de la consonne dans fière, chère, amère. Une solution médiane serait de ne pas considérer d’exception pour le S après È, et remplacer l’accent grave par un circonflexe, par exemple,  dans aprês, cyprês, abcês, succês, congrês

Qu’on l’accepte ou qu’on la rejète, le nombre d’exceptions à traiter est du même ordre, mais les mots actuellement écrits avec un E-accent grave devant l’S terminal muet sont très courants, tandis que ceux où l’S est sonore sont rarement utilisés, et essentiellement des noms propres.

[9] Mais à tout prendre, on préfèrerait abbéie, qui serait à l’abbé ce que la chatelainie est au chatelain et la mairie au maire.

[10] Le logiciel de traitement de texte de l’auteur ne possède pas la fonctionnalité de poser le tilde sur le caractère E.  à défaut, pour le son de EN dans lycéen le caractère « i » remplacera le signe de la phonétique internationale. Désolé !

[11] Ambroise Firmin Didot préconisait le t-cédille en 1868. Que ne l’a-t-on suivi !

[12] Nous prenons ici le contre-pied de Jacques LECONTE (« Que vive l’orthographe » Seuil, Paris 1989.) qui proposait d’écrire ressac comme resurgir.

[13] Dans le premier cas, cerqueuil s’accorde à deuil, dans le second, le cercoeil rappelle la tombe où l’œil regardait Cäin.

[14] En revanche marketïngg serait une écriture à la française (à défaut que le mot soit français), le tréma sur le I supprimant la liaison avec le N, le redoublement du G rendant sonores les consonnes précédentes ; graphies différentes pour le blanc-seing, ou le coing puisque sons différents.

[15] Il a l’excuse de croire le problème réglé depuis 1990.

[16] « LE RÉDACTEUR 3 » ( Editions EPIGRAF ; Toulouse.1990). Test sur les 5 pages de la préface.